«Play it now» - 2003 -
Cette installation sonore-vidéo se présente sous la forme d’un tapis de sol (moquette bleue) dont une partie est découpée afin d’être relevée et suspendue au plafond. Ce morceau de sol constitue un écran de projection. Cette installation se déploie dans l’espace en présentant deux espaces distincts : recto et verso de l’écran.
Dans l’espace recto la découpe de moquette relevée est découpée en son centre par un texte : PLAY IT NOW, visible dans la semi- obscurité de la salle grâce à la projection d’une image diapositive au verso. Le texte lumineux se projette à son tour à l’envers sur le mur d’en face ou sur le spectateur. Au sol, un moniteur vidéo diffuse en continu (30’) un film dont le mouvement stroboscopique et syncopé provoque un entremêlement d’ images de motifs de tapis et de chanteurs de salon. Les 5 chanteurs interprètent en canon et en choeur une ritournelle roumaine “le pont de pierres” comptine populaire rythmée par 3 phrases. Les mouvements circulaires de caméra provoquent une perte de repères les motifs du tapis se mélangent aux sujets, comme par superpositions de façon similaires aux paroles chantées qui s’entrechoquent et se perdent dans un brouhaha, sorte de cacophonie entêtante.
Au verso de l’écran, une diapositive couleur est projetée sur le texte découpé (à l’envers). Cette photographie présente une femme de dos, caméra à la main, qui filme la ville (Iasi) de nuit dans le reflet d’une devanture de magasin d’articles de chasse. L’aspect flou de la photographie, transforme l’image en motif coloré (tapisserie) en écho au recto de l’espace (là où le texte se lit à l’endroit). Au sol, la découpe de l’écran laisse le plancher visible. Les lettres qui constituent le texte “play it now” sont posées sur le parquet (espace en creux) elles ne sont pas fixées au sol ce qui permet au visiteur de pouvoir modifier les mots (croisés) et de constituer d’autres textes avec les lettres équivalentes dans d’autres langues. Le texte proposé comme invitation étant “i want” les autres lettres étant abandonnées en périphérie...(le soir du vernissage le texte au sol “i want , y, o, p, l” issu de “play it now” s’est transformé en “italy down” en allusion au comportement passif d'un contingent italien de l'ONU lors d'attaque serbes, le d devenant un p ).
Le soulèvement du tapis de sol comme espace écran constitue une tentative de partition de l’espace en lieu de projection mentale, les images (vidéo et photo) sont floues. La frontière entre le sol et l’écran apparaît comme une marge et la projection au dos du sol marque l’immatérialité de la limite/frontière fiction-réalité. L’image fixe projetée au dos renvoie à l’image du réalisateur (fabricant d’image et de récit, bricoleur de fiction, arrangeur de situations). Réalisateur, vue de dos, comme spectateur du monde, enregistreur du reflet de la ville dans la vitrine d’exposition de la rue. La position fixe et passive du personnage de dos, renvoie à l’action visible de l’autre côté de l’écran. L’espace d’enregistrement se situe au verso du tapis, et celui de l’action et de lecture au recto.
L’extraction de sol visible au recto, donne à lire une sorte de sous-titrage en creux (lettres découpées) : invitation au jeu et à l’action. Ce texte “play it now” apparaît ainsi comme sous-titre d’une image manquante (impératifs de recommencements) : du jeu vidéo au jeu d’acteur. La ritournelle qui accompagne le motif instable du tapis dans le film vidéo est une comptine sans fin : invitation à toujours recommencer, reconstruire : “nous devions traverser le pont de pierres mais il s’est écroulé, pour pouvoir passer nous devons le reconstruire plus grand, plus solide...” : comme une histoire de passages...
Chant, sons, danse et motifs sans fin et sans début.
L’espace écran (sol) devient un lieu de ronde, de répétition, d’avenir de devenir. La répétition du motif et de la mélodie constituent une espace physique et sonore qui provoque une perte de repères : danse étourdissante, avenir ou devenir en suspension...
CLT 2000