ABÉCÉDAIRE LACUNAIRE PARTIAL ET PARTIEL
Gunther Ludwig
Aléatoire
Hasard, marge d'erreur, rencontre, mathématiques, incertain, événement, chance, statistique, pari, inutile, jubilatoire !
Bibliothèque
L’expérimentation, c’est comme une bibliothèque d’idées ou de projets, tout ce qui reste à faire, à déceler, à ne pas saisir. Il faut toujours se mettre dans cette position de ne pas comprendre, ce qui donne une perception du monde bien plus intéressante. Cela revient à être dans une bibliothèque, où on se retrouve devant bien plus de volumes que l’on n'a pas lu que l’inverse. Cela donne le vertige, cet horizon des possibles dont on ne voit que la tranche...
Ciel
C'est l'espace, de nature infinie, figuré par une sphère, motif récurent dans le travail, où évoluent les astres visibles et invisibles. C'est la voûte sous laquelle nous sommes placés, étendue permanente, force, champ d'action presque palpable(s). Le ciel est aussi l'expérience du vent, des nuages, de la pluie, du soleil, paramètres atmosphériques tangibles qui ouvrent et closent le parcours, dans et face au site.
Corps
Faire corps avec la tour de Brédiers. Elle n'est pas conçue comme un réceptacle mais investie tel un corps résonateur, un fût de percussion qui amplifie les flux captés au dehors. Elle est un instrument de travail : musical, physique, métaphorique.
Disponibilité
Les oeuvres sollicitent du spectateur, du lecteur, de l’auditeur un état de perception pour se rendre disponible au monde, à l'écoute de son chant.
Ecriture
Revisiter les différents niveaux de transcription du langage parlé, sifflé, écrit, chanté, mimé en trouvant une autre forme d'écriture, plastique, pour créer un dialogue, une sorte d'équivalence (im)possible.
Fragment
Morceau happé par l'artiste pour le mettre en orbite d'un système plus vaste, qui tient ces fragments disposés en une certaine logique. Une espèce de dématérialisation du monde visible pour aboutir à une forme de convergence.
Gesamtkunstwerk
L'oeuvre d'art totale ! Concept né au XIXème siècle, mis en en oeuvre par Wagner. Plus que de résultat, ce serait, ici comme pour d'autres, une question de désir, une utopie. Pas étonnant que l'opéra l'intéresse, comme la possibilité d'une forme ultime où les choses se retrouvent dans une temporalité et un espace communs.
Hétérotopie
… "Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans l'institution même de la société, et qui sont des sortes de contre emplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels (...) sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux (...). Ces lieux, parce qu'ils sont absolument autres que tous les emplacements qu'ils reflètent et dont ils parlent, je les appellerai, par opposition aux utopies, les hétérotopies ; et je crois qu'entre les utopies et ces emplacements absolument autres, ces hétérotopies, il y aurait sans doute une sorte d'expérience mixte, mitoyenne, qui serait le miroir." *
Hypothèse
Mot qui renvoie à "expérience", "laboratoire", "essai", "potentialité". Supposition est donc faite d'un probable, qu'il faudra vérifier. Mais aussi proposition à partir de bribes qui, combinées, parviennent à donner une explication plausible. L'hypothèse, c'est comme être en position d'ignorance avide de sentir, d'imaginer.
Kaléidoscopique
L'exposition serait la rencontre entre des corps hétérogènes, le ménagement d'altérités libres, mis ici côte à côte. La proximité temporaire fabrique peut-être une troisième forme de rencontre, de nature kaléidoscopique parce que mouvante.
Kiosque
Une architecture minimale et modulaire qui se compose et se recompose à souhait ; ouverte, fermée, à plat... Une structure à mi-chemin de l'espace public et privé qui, recevant les sons des flux naturels depuis la plate-forme, agit comme le kiosque à musique du milieu, présent et actif dans l'exposition.
Livre
Les oeuvres, autonomes, arrangent une sorte de maison cerveau, un espace qui pourrait réunir toutes ces structures de sens, nécessairement conjoints et isolés. Ce serait comme dans un livre, où la page 42 ne pourra jamais être à côté de la page 2, mais son contenu existe par rapport à l'autre. Les deux pages sont ensemble dans un même objet, une même pensée, mais en aucun cas ne peuvent fusionner. Il n'y a pas forcément de sens de lecture. Le lecteur les aura lu l'une après l'autre, alternativement, quand bien même elle resteront scindées physiquement dans l'espace qu'est l'objet-livre.
Musique
Ce que l'on ne comprend pas permet d’écouter la musique des langues (non traduites, inconnues) et non d’être dans la recherche du sens, un état de « méconnaissance ». En termes de processus artistique, on peut trouver un système d’harmonie globale à la musique des choses à partir du moment où l’on n’a pas une connaissance approfondie de l’objet. On est alors dégagé des contingences extérieures. Les oeuvres donnent à voir et à entendre cette musique de la multitude.
Noir
Le noir, qui n'émet ni ne reflète rien de la lumière visible, est inséparable du blanc, qui lui est constitué de l'ensemble des ondes visibles. Il est son opposé, son envers, mais aussi son complément dans cet univers plastique où le reste du spectre coloré est presque absent.
Partition
La partie pour le tout, le tout en parties. Penser le lieu, la progression dans l'espace, l'interaction des propositions plastiques faites de sons, sculptures, images, comme une écriture qui façonne une composition. Chaque "voix", chaque "instrument", ensemble et séparé, est rapporté à la cohérence des "portées" assemblées.
Quête
Résultat d’une fascination pour ce qui est de l’ordre de l’incompréhensible, l’indicible, mais aussi pour cette exploration vers un trésor, le mystère de la langue et de la parole. Quand on arrive devant un paysage extraordinaire, que l’on vit une expérience difficile à décrire, on peut être en même temps fasciné et sans voix. La fascination permet un autre point de vue, nourri par le cheminement et les routes détournés, imprévus.
Recherche
"Ensemble des actions, des efforts entrepris pour acquérir, obtenir quelque chose ou s'en approcher " (source CNRTL). Ce serait donc une collecte de l'impossible, une façon d'être immergé dans un ensemble immense de choses que l'on ne comprend et ne connaît pas.
Spectateur
Recherche pour l'artiste mais pas seulement. C'est aussi un parcours proposé au spectateur, terme préféré à celui de visiteur, qui doit faire une partie du chemin. Il entreprend un déplacement, palier par palier, pour terminer face au paysage, dans le débordement des éléments réinjectés dans les oeuvres. C'est le corps du visiteur qui doit être à l'affût et qui, par
le truchement d'une affiche en libre-servie, repartira disséminant l'exposition ailleurs.
Jardin / Tapis
Deux "lieux" microcosmes, éléments à partie liées dans le jeux de transcriptions auquel nous convie l'exposition : "Le jardin traditionnel des Persans était un espace sacré qui devait réunir à l'intérieur de son rectangle quatre parties représentant les quatre parties du monde, avec un espace plus sacré encore que les autres qui était comme l'ombilic, le nombril du monde en son milieu (...) Quant aux tapis, ils étaient, à l'origine, des reproductions de jardins. Le jardin, c'est un tapis où le monde tout entier vient accomplir sa perfection symbolique, et le tapis, c'est une sorte de jardin mobile à travers l'espace. Le jardin, c'est la plus petite parcelle du monde et puis c'est la totalité du monde. Le jardin, c'est, depuis le fond de l'Antiquité, une sorte d'hétérotopie heureuse et universalisante (...)*
Vecteur
C'est l'artiste, au sens où il porte et transporte quelque chose. Les oeuvres sont son prolongement. Les spectateurs son révélateur. Deux extrémités où la relation, parfois, opère.
Zef / Zéphir
Il souffle à l'échelle du panorama, celui qui fait claquer le pavillon au sommet de la tour, celui qui vient alimenter les oeuvres agissantes, celui qui transmet les fréquences graves et aiguës dessinant les figures de sable du tapis symphonique, celui qui participe jusque dans le salon de musique, celui qui amène les oiseaux posés en accord sur l'instrument parlant.
* Extrait de "Des espaces autres", conférence de Michel Foucault - 1967, in Michel Foucault,
Dits et écrits, T.2, 1976-1988, Quarto Gallimard, 2001